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Pourquoi aller voter le 25 mai ?

By Julia Soulié • 19 mai 2014 • Billet d'humeur

Après mars, mai ! C’est en effet le 25 mai prochain qu’auront lieu les élections européennes, qui passent peut-être plus inaperçues mais ne sont pas moins importantes que nos élections municipales.
De quoi s’agit-il ? D’élire dans notre circonscription les députés qui nous représenteront au Parlement européen, l’une des institutions de l’Union européenne. L’intérêt de ces élections n’étant pas toujours bien compris, nous nous proposons d’aller au-delà des critiques qui peuvent justifier l’abstention des électeurs, afin de mieux comprendre ce qu’est l’Union et de saisir l’enjeu que revêtent les élections européennes.

Critique n°1 :

Je ne vote pas parce que l’Union européenne est avant tout une union économique dont les mesures sont éloignées de mes priorités.

C’est vrai, c’est ce qu’elle était au début. Mais l’Union européenne a évolué et avec elle ses domaines d’action, qui recoupent de plus en plus les préoccupations des citoyens. L’histoire de la construction européenne commence en 1950, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il est nécessaire d’envisager la reconstruction de l’Europe. Pour favoriser cette reconstruction, six États – la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas – signent le 18 avril 1951 à Paris le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). La CECA consiste en un « marché commun du charbon et de l’acier »1 dans lequel l’acier et le charbon, nécessaires à la reconstruction, vont pouvoir circuler librement entre les pays membres sans que les exportateurs et les importateurs ne se heurtent à des obstacles douaniers (par exemple, des droits de douane). Cela a pour effet, entre autres, de garantir des prix de vente modérés. La CECA est donc effectivement une union avant tout économique.

Devant son succès, les six États membres décident d’aller plus loin et de signer, le 25 mars 1957, le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE) qui étend la libre circulation (que l’on avait appliquée au charbon et à l’acier) à « toute l’économie »2. Désormais, c’est l’ensemble des marchandises que produisent et dont ont besoin les pays membres qui vont pouvoir circuler librement entre eux, dans un vaste marché commun.

Il faut attendre quelques décennies avant que les États membres, désormais au nombre de douze, relancent la construction européenne en signant le 7 février 1992 à Maastricht le traité sur l’Union européenne. Ce traité renomme la CEE en « Communauté européenne » (CE) et crée au dessus d’elle l’Union européenne. Il établit également la citoyenneté de l’Union, qui permet à ceux qui la détiennent – les ressortissants des États membres – d’élire le Parlement européen. Surtout, il octroie à la CE, en plus du marché commun, six nouveaux domaines d’action, tels que la culture ou l’éducation et la formation professionnelle.

Le traité sur l’Union européenne sera modifié deux fois, d’abord par le traité d’Amsterdam, signé le 2 octobre 1997, puis par le traité de Nice, signé le 26 février 2001. Mais c’est le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007, actuellement en vigueur, qui le révise vraiment3. Il refond la structure européenne : la CE disparaît finalement pour laisser toute la place à l’Union européenne.

On comprend à la lecture du traité de Lisbonne que l’Union peut intervenir dans différents domaines. Elle peut agir par exemple en matière de politique monétaire4 ou, dans une certaine mesure, de politique sociale, d’environnement ou de protection des consommateurs5. Dans ces domaines, l’Union européenne peut « légiférer »6, ce qui signifie qu’elle peut édicter des « lois »7 qui s’appliqueront ensuite dans chacun de ses États membres. Concrètement, les deux institutions de l’Union qui légifèrent sont le Conseil… et le Parlement européen8. Par conséquent, participer aux élections européennes, c’est déterminer la composition d’un Parlement qui intervient dans l’adoption de la législation de l’Union européenne, couvrant des domaines toujours plus nombreux.

Critique n°2 :

Je ne vote pas parce que l’Union européenne est une structure trop compliquée à comprendre.

Oui et non. L’Union européenne repose sur la coopération entre vingt-huit États membres, ce qui nécessite forcément des procédures particulières pour garantir que chaque voix soit entendue. Mais la structure globale de l’Union, celle qu’il faut connaître pour comprendre la nécessité de participer aux élections européennes, n’est pas plus compliquée que n’importe quelle structure étatique.

Ce qu’il faut savoir, c’est comment fonctionnent les trois principales institutions « politiques »9 de l’Union – la Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne (ou Conseil) et le Parlement européen. Ces trois structures forment ce que l’on appelle le « triangle institutionnel », essentiel dans la mesure où c’est lui qui est à l’origine de la législation européenne. Chaque institution qui le compose défend un intérêt différent10 et joue un rôle dans la procédure législative11.

La Commission européenne

La Commission, composée de membres « choisis en raison (…) de leur engagement européen », « promeut l’intérêt général de l’Union »12. Elle défend donc l’intérêt de l’Union européenne dans son ensemble. C’est elle qui dispose du pouvoir d’initiative13, ce qui signifie que c’est elle qui va travailler sur un projet de directive ou de règlement et le présenter ensuite aux deux autres institutions qui forment le triangle.

Le Conseil de l’Union européenne

Le Conseil est composé « d’un représentant de chaque État membre au niveau ministériel »14. Autrement dit, il est la réunion des ministres (ou de leurs délégués) concernés par le « thème » du Conseil. Ainsi, le Conseil « Affaires économiques et financières » du 6 mai dernier était composé des vingt-huit ministres de l’économie et des finances des États membres. Le Conseil n’a donc pas à chaque fois les mêmes membres, mais il représente toujours l’intérêt des États.

Le Parlement européen

Le Parlement quant à lui, composé « de représentants des citoyens de l’Union »15, défend l’intérêt desdits citoyens, c’est à dire notre intérêt. C’est lui qui, avec le Conseil, va décider l’adoption ou non de la directive ou du règlement proposé(e) par la Commission ; tous deux sont les co-législateurs de l’Union.

Le « triangle institutionnel » et le rôle de chacun dans la procédure législative peuvent être schématisés comme suit :

Schéma du fonctionnement des institutions européennes

schéma des institutions européennes

Prenons un exemple :

La directive relative aux droits des consommateurs de 201116. L’Union européenne avait posé un cadre en matière de protection des consommateurs dès les années 1990, à travers plusieurs directives. Mais, du fait de l’évolution des modes de consommation et notamment de l’importance croissante des ventes par Internet, ce cadre est désormais dépassé. C’est donc dans le but de le modifier que la Commission a, en 2008, présenté au Conseil et au Parlement européen  une proposition de directive. Elle a ainsi exercé son pouvoir d’initiative législative. Le Conseil et le Parlement européen ont adopté la proposition et l’ont signée en octobre 2011, faisant d’elle une directive. Ils ont ainsi joué leur rôle de législateur de l’Union européenne, rôle qui leur permet de « choisir » la législation de l’Union. La directive est entrée en vigueur en décembre 2011, ce qui signifie que les États membres ont eu deux ans à compter de cette date pour en faire une loi17.

Deux remarques donc :

D’abord, la procédure législative montre que l’intérêt des citoyens est mis sur le même pied d’égalité que l’intérêt des États membres, puisque Parlement et Conseil agissent ensemble. Ensuite, cela prouve que la structure de l’Union européenne n’est pas aussi compliquée qu’on le pense parfois. Le processus législatif français repose aussi sur la co-législation : pour être votée, une loi française doit être adoptée par le Sénat et par l’Assemblée nationale. Ainsi, le Parlement européen joue un rôle central dans l’adoption de la législation de l’Union, et son élection par les citoyens européens permet à ces derniers d’y participer indirectement – comme ils participent indirectement, en élisant leurs députés nationaux, à l’adoption de la législation nationale.

Critique n°3 :

Je ne vote pas parce que ça ne sert à rien : c’est la Commission qui décide de tout !

Cette fois, la réponse est non. Nous avons vu que la Commission n’a, en matière législative, qu’un pouvoir d’initiative, et non de décision. La Commission ne décide pas de tout, elle ne fait que proposer au Conseil et au Parlement des directives ou des règlements que seuls ces derniers peuvent décider d’adopter ou non. Participer aux élections européennes, c’est donc déterminer la composition du Parlement, chargé avec le Conseil de voter la législation de l’Union, mais c’est aussi désormais déterminer indirectement la composition de la Commission. En effet, et pour la première fois dans l’histoire de la construction européenne, il est prévu que le candidat à la fonction de président de la Commission soit « élu par le Parlement européen »18. Ledit président de la Commission va ensuite jouer un rôle dans la détermination de la composition de son institution puisqu’il doit donner son accord à la liste des personnalités qui formeront la nouvelle Commission19. Les élections européennes permettent donc non seulement de déterminer l’orientation de l’un des deux co-législateurs de l’Union (le Parlement européen) mais en outre, elles permettent de participer indirectement à la composition de l’institution qui propose la législation (la Commission européenne).

Participer aux élections européennes c’est donc, concrètement, déterminer la composition politique d’un organe qui décide la législation européenne. Plus largement, c’est réfléchir à l’« Europe » de demain et participer à sa construction. Plus de doute donc : le 25 mai, il faut voter !

Pour en savoir plus :

  •  sur sa circonscription et les candidats :

http://www.touteleurope.eu/actualite/elections-europeennes-2014-les-candidats-francais.html

  •  sur les institutions de l’Union :

http://europa.eu/about-eu/institutions-bodies/index_fr.htm

 

 

Bibliographie

 

Dispositions des traités

– articles 14, 16 et 17 du traité sur l’Union européenne

– articles 2, 3, 4 et 294 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

http://register.consilium.europa.eu/doc/srv?l=FR&f=ST%206655%202008%20REV%207

 

Ouvrages

G. ISAAC et M. BLANQUET, Droit général de l’Union européenne, Dalloz, Paris, 2012.

D. SIMON, Le système juridique communautaire, PUF, Paris, 2001.

 

Sites Internet

– traité de Rome :
http://europa.eu/legislation_summaries/institutional_affairs/treaties/treaties_eec_fr.htm

– traité de Maastricht :
http://europa.eu/legislation_summaries/institutional_affairs/treaties/treaties_maastricht_fr.htm

– Conseil de l’Union européenne :
http://www.consilium.europa.eu/homepage.aspx?lang=fr

– directive 2011/83/UE :
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32011L0083&qid=1399830052466

et

http://ec.europa.eu/prelex/detail_dossier_real.cfm?CL=fr&DosId=197477

 

Notes de bas de page

1 Voir G. ISAAC et M. BLANQUET, Droit général de l’Union européenne, Dalloz, Paris, 2012.

2 Ibid.

3 Le traité de Lisbonne comprend deux parties : la première sur l’Union européenne (c’est le « traité sur l’Union européenne » ou TUE) et la seconde sur le fonctionnement de l’Union européenne (c’est le « traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » ou TFUE).

4 Voir l’article 3 du TFUE.

5 Voir l’article 4 du TFUE.

6 Voir l’article 2, paragraphes 1 et 2, du TFUE.

7 Les « lois » de l’Union européenne sont pour l’essentiel des directives, dont nous verrons plus loin comment elles sont adoptées (voir la réponse à la critique n°2).

8 Voir les articles 14, paragraphe 1, et 16, paragraphe 1, du TUE.

9 Voir la répartition que proposent G. ISAAC et M. BLANQUET dans leur ouvrage Droit général de l’Union européenne, précité.

10 Voir D. SIMON, Le système juridique communautaire, PUF, Paris, 2001.

11 Nous n’évoquerons ici que la procédure législative ordinaire, prévue à l’article 294 du TFUE.

12 Voir l’article 17, paragraphes 1 et 3, alinéa 2, du TUE.

13 Voir l’article 17, paragraphe 2, du TUE.

14 Voir l’article 16, paragraphe 2, du TUE.

15 Voir l’article 14, paragraphe 2, du TUE.

16 Voir la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs (…), Journal officiel de l’Union européenne L 304/64 du 22 novembre 2011.

17 Voir, pour l’ensemble de la procédure législative ordinaire, l’article 294 du TFUE.

18 Voir l’article 17, paragraphe 7, alinéa 1, du TUE.

19 Voir l’article 17, paragraphe 7, alinéa 2, du TUE.

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Julia Soulié

Étudiante en Master 2 de Droit de l'Union européenne, je travaille actuellement à la rédaction d'un mémoire sur le réseau écologique européen Natura 2000 et le contentieux qu'il a engendré.

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